Christian Estrosi dans Le Figaro : « La France audacieuse est un espace de liberté totale pour tous les acteurs des territoires »

31/08/2019

Retrouvez l’interview de Christian Estrosi dans Le Figaro du 31 août 2019.

LE FIGARO.- Quel est le message politique de votre rentrée à Nice et celui que vous adresserez aux Républicains, réunis à La Baule samedi ?

Christian ESTROSI. - Les 6 500 amis réunis autour de moi à Nice pour ma rentrée politique viennent de tous les horizons sauf les extrêmes. Ils incarnent une certaine idée de la place de l’homme, de la femme, de l’enfant dans la cité et dans la nation, et l’esprit d’ouverture qui a toujours été le mien. Au même moment, certains membres des Républicains sont à La Baule. Je leur dis : tirons les leçons de nos échecs et sortons de ce discours qui nous a conduits à 8 %. J’ai choisi de soutenir Christian Jacob parce qu’il incarne cet esprit d’ouverture que j’ai réclamé sans succès ces trois dernières années.

Christian Jacob veut une « cathédrale LR » plutôt que des « chapelles ». En tant que président de La France audacieuse, vous sentez-vous visé ?

La France audacieuse n’est pas un parti politique. C’est un lieu de réflexion et de partage réunissant des élus locaux et des acteurs du territoire issus de la droite et du centre, dont tous ne sont pas membres des Républicains.

Parmi les membres de votre association figure Christophe Béchu, maire d’Angers. Il a réuni plusieurs élus macron-compatibles cette semaine. Que pensez-vous de son initiative ?

La France audacieuse est un espace de liberté totale où tous les acteurs des territoires qui se reconnaissent dans les valeurs de la droite et du centre se re­trouvent pour reconnecter la réalité des territoires avec les politiques nationales. C’est sans doute ce qui marque notre différence, ce qui n’enlève rien à notre volonté de proposer ensemble, comme avec d’autres, les réformes dont nos territoires ont besoin, notamment en matière de décentralisation.

Pour Christian Jacob, aucune alliance n’est possible avec LREM, qui veut tuer LR. Qu’en pensez-vous ?

Il dit aussi qu’il a toujours composé librement ses listes municipales et qu’il souhaite que cela continue. Il s’inscrit dans la droite ligne de Jacques Chirac, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Il a raison car une élection municipale n’est pas une affaire de partis. Il n’appartient pas aux appareils politiques parisiens d’imposer leur tutelle. Les maires administrent leur ville bien au-dessus de tout cela. Moi, je n’ai aucun accord à passer avec qui que ce soit. Je veux simplement m’entourer des meilleurs pour servir les Niçois.

Quel sera l’avenir des Républicains ?

Le mouvement est en situation très difficile. Il y a une phrase que je partage entièrement avec Christian Jacob (dans Nice-Matin), à la virgule près : « Les échecs ont été tellement douloureux. À la présidentielle, il y a eu un problème de ligne, pas seulement d’affaires concernant François Fillon comme on a trop voulu le laisser croire. Nous avons mobilisé l’électorat bourgeois, qui se retrouvait dans le projet Fillon, et l’électorat populaire, lui, ne s’y est pas du tout retrouvé. » Nous réunirons à nouveau les militants le jour où nous retrouverons cette vision des choses.

Les tensions avec Éric Ciotti à Nice sont toujours très vives. Êtes-vous prêt à enterrer la hache de guerre ?

Je ne l’ai jamais déterrée. C’est mon ami Éric qui a envie d’occuper ma place, toutes les places.

Lui pense que vous avez souhaité sa mort politique…

Qui peut penser qu’après avoir autant contribué à son ascension tel soit mon souhait ? Mais quelle que soit son ambition, rien ne peut justifier de dénigrer à ce point Nice et de fragiliser l’énergie de ses acteurs économiques et sociaux, surtout quand Nice est aujourd’hui, par la conjugaison des initiatives publiques et privées, au sommet de nombreuses réussites. S’il ne peut pas s’en empêcher, qu’il continue à m’agresser. Mais de grâce, qu’il cesse de nuire à Nice et aux Niçois.

Une réconciliation est-elle possible ?

En politique, on sort toujours grandi quand on est capable de laisser de côté les mauvaises querelles. Plus que jamais, je dis à ceux qui nous invitent à cette réconciliation que j’y suis prêt, comme je l’ai toujours été.

Craignez-vous cette confrontation ?

Si c’est inéluctable, je ne crains ni celle-ci ni les autres. Dans le calendrier où nous sommes, tout ce qui blesse et provoque est inutile. Je sais à quoi conduisent toutes les formes d’arrogance. Je suis dans le temps du maire. Il me reste encore beaucoup à faire d’ici la fin de mon mandat. Le temps de la campagne viendra. Nous verrons, à ce moment-là, si la sagesse, à laquelle j’aspire, s’est imposée.

LREM vous a-t-il proposé une investiture ?

Absolument pas.

Des élus LR vous soupçonnent d’être proche de LREM…

Gardons-nous des procès en sor­­cellerie. J’espère que l’élection du nou­veau président des Républicains sera l’occasion pour ma famille politique de prendre de la hauteur et d’éviter les petits règlements de comptes locaux. La députée Marine Brenier et la vice-présidente du groupe Les Républicains au Sénat Dominique Estrosi Sassone, membres de ma majorité et de la commission nationale d’investiture, n’ont pas manqué de le rappeler. Ce qui ne m’empêche pas, comme de nombreux maires républicains, d’avoir sur ma liste d’excellents adjoints issus bien sûr essentiellement des Républicains, et aussi du centre, du MoDem, d’En marche !, du monde syndical et de la société civile.

Que pensez-vous du chef de l’État ?

Si la question que vous me posez est de savoir si je suis Macron-compatible, je vous réponds que je suis compatible avec tout ce qui est bon pour la France. Oui, après avoir soutenu François Fillon en 2017, je me suis mobilisé pour l’élection d’Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle. Face au danger Le Pen, je ne transigerai jamais sur mes choix. Pour le reste, je suis un homme libre, et je ferai toujours passer mon pays avant mon parti. J’avais condamné la rupture avec la Russie sous Hollande. Quand le président français renoue avec Poutine, en s’inspirant des conseils de Nicolas Sarkozy, je ne peux que l’approuver. Pour autant, en tant que maire, j’appelle le président et le gouvernement à ne plus perdre de temps sur une nouvelle étape de la décentralisation, notamment en matière d’autorité et d’environnement. La grande souffrance de l’hôpital public est aussi un sujet majeur.

Croyez-vous toujours au retour de Nicolas Sarkozy ?

L’amitié que je partage avec lui ne s’est jamais démentie. Il est sans doute la seule personnalité politique dont j’aie partagé tous les combats et avec lequel je continue à partager la même vision pour la France. Je dis à mes amis réunis à La Baule aujourd’hui : « Ne vous détournez pas de son héritage. »


Propos recueillis par Emmanuel Galiero 


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