Ségur de la Santé - « Engageons une réforme ambitieuse de l’hôpital public »

25/05/2020

Dans une tribune publiée dans Le Parisien du dimanche 24 mai 2020, Christian Estrosi appelle l’Etat à relancer la recherche médicale et l’innovation pour construire l’excellence des soins du futur.

« A l’heure où nous venons de vivre la plus grande pandémie de notre histoire contemporaine, notre système de santé est au cœur de toutes les attentions. Il était temps!

L’amélioration des conditions de travail notamment salariales de nos soignants est naturellement primordiale. Mais elle ne doit pas nous exonérer de nous questionner sur l’organisation globale de la santé en France. Malgré l’exceptionnel dévouement de ses acteurs, le système français de santé a révélé un fonctionnement dont les rigidités bureaucratiques ont profondément nuit à son efficacité. Comment expliquer, alors qu’étaient organisés des transferts de malades en réanimation d’une région de France à une autre, que des lits de réanimations dans des structures privées ou associatives restaient désespérément vides ? Comment expliquer que la médecine libérale n’a pas du tout été associée à la gestion de cette crise ? Comment comprendre que les maires de France qui sont, de par leur mandat Président du conseil de surveillance de leur CHU, n’ont que peu de moyens pour faire avancer la politique santé de leur commune ?

 
Il faut avoir un discours de vérité sur l’état de l’hôpital public en France. Les CHU sont quasiment tous déficitaires en dépit d’une dotation financière 30% supérieure à celle du privé.
 
J’appelle de mes vœux une réforme ambitieuse de l’hôpital et de la santé autour d’une meilleure répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l’Etat.
 
Pour cela l’Etat stratège doit se concentrer sur des missions essentielles. Il doit tout d’abord relancer la recherche médicale et l’innovation, nécessaires pour construire l’excellence des soins du futur, les technologies de santé, et l’accompagnement de la dépendance. Je rappelle qu’en 2010 le Grand emprunt avait alloué 3,4 milliards d’euros à ces sujets.
 
Actuellement, la recherche médicale française est à l’arrêt. La France qui était 5ème mondiale est désormais 8ème en matière de publication de recherche. Au regard de notre population, la France est 25ème mondial et 16ème européen. La recherche médicale et l’innovation en santé sont actuellement écartelées entre l’INSERM et la direction des hôpitaux qui utilisent la recherche comme variable d’ajustement, ne mettant pas à profit les 15% de leurs budgets qui devraient lui être consacré. Il faut sanctuariser ce budget, recréer les CHU en intégrant l’INSERM et laisser la recherche biologique au CNRS.
 
L’Etat doit également renforcer le financement et la prise en charge du soin par un système de cotisation moderne et équitable. Il doit aussi favoriser le développement d’une vraie politique publique de prévention et remettre à niveau les urgencesdans tous les hôpitaux.
 
Les médecins doivent également reprendre le pouvoir sur l’administration au sein des CHU avec la mise en place d’une codirection avec un binôme médecin/Directeur.
 
Enfin, les élus locaux doivent être chargé de l’élaboration d’un plan de santé de proximité en dirigeant un conseil local de santé destiné à coordonner l’action entre l'hôpital public, les opérateurs privés, la médecine de ville, les Ehpad, les laboratoires.
 
Les ARS, et ce n’est pas une critique contre ceux qui y œuvrent, ont démontré que ce n’était pas le niveau pertinent.
 
Les collectivités doivent désormais avoir les mains libres pour établir un vrai plan local de santé, pour construire une vraie politique médicale de proximité de manière globale, avec des maisons pluridisciplinaires de santé garantissant un meilleur accès aux soins, en utilisant les nouvelles technologiques pour lutter contre les zones blanches et les déserts médicaux, et en pensant une nouvelle offre d’urgence qui associe les SDIS et la médecine de ville.
 
C’est avec des élus locaux acteurs impliqués dans la gestion sanitaire de leurs territoires, que notre pays se dotera d’une organisation plus efficace, capable d’affronter les crises de demain. Ce modèle fonctionne parfaitement dans de nombreux pays européens qui ont plus efficacement fait face à l’épidémie de Covid19. N’attendons plus pour le mettre en œuvre. »


(c) photo afp françois lo presti


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