Terrorisme: «L’Europe doit donner aux villes les moyens d’agir». La tribune de Christian Estrosi et Julian King dans l’Opinion

7/11/2020

Le maire de Nice, Christian Estrosi et l’ancien commissaire européen à la Sécurité, Julian King, réclament notamment l’abolition du système de Dublin et la création d’une liste européenne commune des pays de retour sûrs, afin de trier les demandes d’asile plus rapidement.


Depuis l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice, nous avons travaillé main dans la main, élu local et décideur européen, pour renforcer le rôle des villes dans la politique de sécurité de l’Union européenne. Le 29 septembre 2017, à l’initiative de la ville de Nice, plus de 60 maires d’Europe et de Méditerranée se sont engagés en signant la Déclaration de Nice sur la prévention de la radicalisation et la protection des espaces publics. En première ligne pour lutter contre le terrorisme, les territoires ont affirmé leur rôle avec le soutien de l’Europe. Nice a pu ainsi coordonner le grand projet européen Pactesur, renforcer la sécurité de ses espaces publics et financer le centre d’entraînement mutualisé de nos forces de l’ordre.

Dans le même esprit, la ville de Nice avait proposé le 8 mars 2018 à Bruxelles, lors de la conférence européenne des maires contre le terrorisme, la création d’une Convention européenne des maires sur la protection des espaces publics. La Commission européenne doit aujourd’hui aller plus loin pour prévenir efficacement la menace et ainsi mieux protéger ses citoyens.

Plus que jamais, face à la flambée d’actes terroristes sur le sol français et européen depuis quelques semaines, l’onde de choc provoquée par l’assassinat du professeur Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine, la tuerie de la Basilique Notre-Dame à Nice et l’attentat de Vienne, l’engagement politique des maires de toute l’Europe est fondamental. Le temps est venu d’un acte II de la Déclaration de Nice. L’Union européenne doit renforcer son arsenal législatif, en collaboration avec ses acteurs locaux et faire preuve de courage dans la lutte contre le terrorisme.

« Nous ne pouvons attendre davantage pour adopter une législation européenne forte sur le retrait rapide des contenus terroristes en ligne »

Reconnaissance faciale. Elle doit soutenir des projets de prévention et de lutte contre la radicalisation, des projets d’innovation technologique pour sécuriser les espaces publics, des programmes de formation des forces de l’ordre mais aussi des stratégies urbaines intégrées incorporant la notion de sécurité. A Nice, un hôtel de police mutualisé doit voir le jour pour répondre à ces défis. La reconnaissance faciale a fait ses preuves dans de nombreux pays et il existe un intérêt général pour l’utiliser davantage au niveau européen, avec des garanties appropriées.

Certes l’Union de la sécurité a progressé, mais il lui reste à faire des pas de géant vu le niveau de la menace terroriste islamiste et l’inquiétude grandissante des citoyens européens. Ils attendent une réponse forte de l’Union européenne. C’est leur confiance à l’égard de l’exécutif européen et de sa capacité à protéger qui est en jeu.

C’est pourquoi, nous ne pouvons attendre davantage pour adopter une législation européenne forte sur le retrait rapide des contenus terroristes en ligne. Le Parlement européen discute depuis bientôt deux ans du projet de règlement. Ces contenus terroristes, souvent viraux et largement partagés peuvent engendrer des actes cruels et irréversibles. C’est donc un enjeu de sécurité majeur dont l’Union européenne doit se saisir dans les plus brefs délais.


« Il est essentiel que l’Union européenne s’accorde enfin sur une liste européenne commune des pays de retour sûrs, afin de trier les demandes d’asile plus rapidement »


Enfin, comme le démontre l’attentat du 29 octobre à Nice, il est urgent de mettre en place une politique migratoire européenne efficace et sûre en renforçant les contrôles aux frontières extérieures de l’UE et en renforçant l’interopérabilité des fichiers européens sécuritaires et migratoires. Il est impératif que le Pacte sur la migration et l’asile, proposé le 23 septembre par la Commission européenne, abolisse le système de Dublin en discussion depuis 2016 et mette fin aux failles de sécurité. Nous avons trop attendu. Il est également essentiel que l’Union européenne s’accorde enfin sur une liste européenne commune des pays de retour sûrs, afin de trier les demandes d’asile plus rapidement.

La notion de hotspots européens ainsi que celle des quotas d’immigration ont démontré leurs limites et inefficacité. Face à la pression migratoire et à cause de l’impuissance de certains Etats-Membres à contrôler le flux, ces mesures n’ont fait que provoquer des appels d’air, transformant certaines régions européennes en passoires. Nous devons, de toute urgence, mettre au point des dispositions pour le pré-examen des demandes d’asile : effectuer au préalable tous les contrôles d’identité et de sécurité nécessaires, dans les consulats des Etats membres par exemple, et pas une fois qu’un demandeur est arrivé dans l’espace Schengen.

Au regard de certains pays, aux portes de l’Europe, comme la Turquie, qui menacent d’ouvrir les frontières contre l’Union, la fermeté doit être de mise. Il ne peut avoir aucune place pour le chantage d’Etat.Le combat contre le terrorisme est l’affaire de tous les Européens et ne doit pas faiblir. Il en va de la sauvegarde de nos valeurs, de notre mode de vie et de nos libertés.Tel doit être l’ordre du jour d’un prochain conseil européen exceptionnel que nous appelons de nos vœux.Christian Estrosi est maire de Nice, Julian King est ancien Commissaire européen à la Sécurité.


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