Libération - Christian Estrosi : "Je n'ai pas le sentiment que la France fasse pire qu'ailleurs contre le Covid"
Vaccination, culture, élections régionales… le maire de Nice revient sur les problèmes engendrés par la crise sanitaire, et que les collectivités et l'Etat devront affronter en 2021.
Des raisons de ne pas regretter 2020, Christian Estrosi en a plus d'une. Comme il l'indique d'emblée, le coronavirus n'est pas la seule crise qu'aura gérée, l'an passé, le maire de Nice (membre de LR, il ne se revendique plus que de son propre parti, La France audacieuse). Mais alors que son territoire est particulièrement touché par l'épidémie, l'élu refuse, lui, d'accabler le gouvernement. Ne jugeant pas les partis, « très utiles dans une période comme celle-là », il propose, en son nom, un train de mesures pour sauver le secteur culturel.
/Extraits/
Non, non. Les masques, j'en ai cherché des tonnes à l'autre bout du monde, ainsi que des combinaisons pour les personnels en première ligne. On pouvait et on devait le faire. J'ai encore aujourd'hui des hangars sécurisés avec des réserves stratégiques. Mais les vaccins, quand vous voyez les alertes sur de possibles contrefaçons… Il y a un énorme enjeu sur la qualité du produit et les conséquences que ça pourrait avoir sur nos concitoyens. Leur certification est une affaire nationale, et même européenne. Et je suis sûr que viendront de terribles contentieux à l'égard de ceux qui se hasarderaient dans cette voie. Quand on voit, sur d'autres questions, que d'anciens membres du gouvernement sont injustement perquisitionnés… Ce serait irresponsable de déléguer aux élus locaux.
Pour autant, l'Etat a-t-il bien joué son rôle ?
L'herbe paraît plus verte chez le voisin… Je n'ai pas le sentiment que la France fasse pire qu'ailleurs. Elle est le pays de l'UE qui a le plus fait pour soutenir les entreprises en difficulté. Sur les vaccins, les Pays-Bas n'ont même commencé leur campagne. On trouve l'Allemagne formidable, mais ils sont déjà au bout de leurs doses. Dans trois semaines, nous serons tous à peu près au même niveau. Evidemment, le modèle allemand est intéressant : il n'est pas géré depuis Berlin, mais au niveau local. C'est ce dont nous aurions besoin, mais cela ne se décide pas en vingt-quatre heures.
Le secteur culturel survivra-t-il à l'épidémie ?
La culture est un élément essentiel de nos vies. Je veux faire de Nice une référence en la matière. Il faut un cap. Cela ne peut attendre. D'abord, fixons une date, même lointaine, mais irrévocable, de réouverture des institutions. Cela permet la mise en place un travail de fond, et aussi de maintenir les aides. Ensuite, bouleversons notre rapport aux horaires. Nous vivrons peut-être d'autres couvre-feux. Alors pourquoi pas voir un spectacle le matin ? Un opéra entre midi et deux ? Le secteur y est prêt. La constitution de troupes locales permanentes, en plus des troupes invitées, offre aussi une flexibilité en fonction des situations.Restent les grands festivals. Je crois à un protocole sanitaire, que je veux proposer à la ministre Roselyne Bachelot, en tant que président délégué de la région qui accueille le plus de festivals dans le pays : assistance réduite, nouveau calendrier, étalement dans le temps, plutôt que sur quelques jours. Et si Avignon, c'était toute l'année ? Et enfin, rouvrons les musées ! On a su le faire pour les bibliothèques municipales, ce n'est quand même pas si différent.
Vous plaidez aussi pour une nouvelle organisation de l'Etat…
Il doit se défaire de l'organisation territoriale de la santé. A lui les grandes politiques de recherche, d'innovation, à nous la gestion locale du système. Peut-on s'exonérer de l'avis de ceux qui ont à tout gérer ? Quand il faut organiser des campagnes de santé publique, c'est à nous qu'on fait appel. Quand il y a une occupation illicite, on dépend d'une décision du préfet. Quand ma police municipale contrôle un restaurant douteux, c'est le préfet ou le procureur qui décide sa fermeture. Pour la gestion des risques, j'ai besoin de météorologues, de scientifiques, de géologues, mais ces professions n'existent pas dans la fonction publique. Bon sang, qu'on nous transfère ces compétences une fois pour toutes !
Faut-il envisager de reporter à nouveau les élections régionales, prévues en juin ?
La priorité des priorités, ce doit être de gérer le Covid, ses conséquences, puis d'engager une grande loi de décentralisation. Je rappelle qu'en juin, on se croyait sortis de l'épidémie. Puis on a vu l'abstention massive au second tour des municipales. Alors les régionales, pourquoi pas, mais il faudra que fin avril, au plus tard le 15 mai, l'épidémie ait complètement disparu et que les Français soient totalement rassurés.
Toujours membre de LR, vous vous êtes cependant éloigné du parti. Et êtes plus indulgent que lui vis-à-vis du gouvernement…
Je ne crois pas que les partis soient très utiles dans une période comme celle-là. Citez-en un seul avec un nombre conséquent d'adhérents ? Aujourd'hui, ma seule politique, c'est qu'il doit y avoir une culture du dépassement. Je ne suis pas dans la majorité, mais je laisse la polémique à ceux que ça intéresse. Brandir les LR, les insoumis, les ceci ou cela, avec quelques leaders et peu de membres, c'est tout ce que les gens détestent. Comme ils ont détesté l'agitation entretenue par certains médias et les polémiques entre médecins.
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J’appelle à un nouveau modèle qui permette une simplification et une vraie décentralisation qui redonnent envie à chacun d'aller voter.