Libération - Christian Estrosi : "Je n'ai pas le sentiment que la France fasse pire qu'ailleurs contre le Covid"

8/01/2021

Vac­ci­na­tion, culture, élec­tions ré­gio­nales… le maire de Nice re­vient sur les pro­blèmes en­gen­drés par la crise sa­ni­taire, et que les col­lec­ti­vi­tés et l'Etat de­vront af­fron­ter en 2021.

Des rai­sons de ne pas re­gret­ter 2020, Chris­tian Es­trosi en a plus d'une. Comme il l'in­dique d'em­blée, le co­ro­na­vi­rus n'est pas la seule crise qu'aura gérée, l'an passé, le maire de Nice (membre de LR, il ne se re­ven­dique plus que de son propre parti, La France au­da­cieuse). Mais alors que son ter­ri­toire est par­ti­cu­liè­re­ment tou­ché par l'épi­dé­mie, l'élu re­fuse, lui, d'ac­ca­bler le gou­ver­ne­ment. Ne ju­geant pas les par­tis, « très utiles dans une pé­riode comme celle-là », il pro­pose, en son nom, un train de me­sures pour sau­ver le sec­teur cultu­rel.


/Extraits/

Les col­lec­ti­vi­tés s'étaient flat­tées de mieux gérer que l'Etat les com­mandes de masques. Achè­te­ront-elles, de­main, leurs propres vac­cins ?

Non, non. Les masques, j'en ai cher­ché des tonnes à l'autre bout du monde, ainsi que des com­bi­nai­sons pour les per­son­nels en pre­mière ligne. On pou­vait et on de­vait le faire. J'ai en­core au­jour­d'hui des han­gars sé­cu­ri­sés avec des ré­serves stra­té­giques. Mais les vac­cins, quand vous voyez les alertes sur de pos­sibles contre­fa­çons… Il y a un énorme enjeu sur la qua­lité du pro­duit et les consé­quences que ça pour­rait avoir sur nos conci­toyens. Leur cer­ti­fi­ca­tion est une af­faire na­tio­nale, et même eu­ro­péenne. Et je suis sûr que vien­dront de ter­ribles conten­tieux à l'égard de ceux qui se ha­sar­de­raient dans cette voie. Quand on voit, sur d'autres ques­tions, que d'an­ciens membres du gou­ver­ne­ment sont in­jus­te­ment per­qui­si­tion­nés… Ce se­rait ir­res­pon­sable de dé­lé­guer aux élus lo­caux.


Pour au­tant, l'Etat a-t-il bien joué son rôle ?

L'herbe pa­raît plus verte chez le voi­sin… Je n'ai pas le sen­ti­ment que la France fasse pire qu'ailleurs. Elle est le pays de l'UE qui a le plus fait pour sou­te­nir les en­tre­prises en dif­fi­culté. Sur les vac­cins, les Pays-Bas n'ont même com­mencé leur cam­pagne. On trouve l'Al­le­magne for­mi­dable, mais ils sont déjà au bout de leurs doses. Dans trois se­maines, nous se­rons tous à peu près au même ni­veau. Evi­dem­ment, le mo­dèle al­le­mand est in­té­res­sant : il n'est pas géré de­puis Ber­lin, mais au ni­veau local. C'est ce dont nous au­rions be­soin, mais cela ne se dé­cide pas en vingt-quatre heures.


Le sec­teur cultu­rel sur­vi­vra-t-il à l'épi­dé­mie ?

La culture est un élé­ment es­sen­tiel de nos vies. Je veux faire de Nice une ré­fé­rence en la ma­tière. Il faut un cap. Cela ne peut at­tendre. D'abord, fixons une date, même loin­taine, mais ir­ré­vo­cable, de ré­ou­ver­ture des ins­ti­tu­tions. Cela per­met la mise en place un tra­vail de fond, et aussi de main­te­nir les aides. En­suite, bou­le­ver­sons notre rap­port aux ho­raires. Nous vi­vrons peut-être d'autres couvre-feux. Alors pour­quoi pas voir un spec­tacle le matin ? Un opéra entre midi et deux ? Le sec­teur y est prêt. La consti­tu­tion de troupes lo­cales per­ma­nentes, en plus des troupes in­vi­tées, offre aussi une flexi­bi­lité en fonc­tion des si­tua­tions.Res­tent les grands fes­ti­vals. Je crois à un pro­to­cole sa­ni­taire, que je veux pro­po­ser à la mi­nistre Ro­se­lyne Ba­che­lot, en tant que pré­sident dé­lé­gué de la ré­gion qui ac­cueille le plus de fes­ti­vals dans le pays : as­sis­tance ré­duite, nou­veau ca­len­drier, éta­le­ment dans le temps, plu­tôt que sur quelques jours. Et si Avi­gnon, c'était toute l'an­née ? Et enfin, rou­vrons les mu­sées ! On a su le faire pour les bi­blio­thèques mu­ni­ci­pales, ce n'est quand même pas si dif­fé­rent.


Vous plai­dez aussi pour une nou­velle or­ga­ni­sa­tion de l'Etat…

Il doit se dé­faire de l'or­ga­ni­sa­tion ter­ri­to­riale de la santé. A lui les grandes po­li­tiques de re­cherche, d'in­no­va­tion, à nous la ges­tion lo­cale du sys­tème. Peut-on s'exo­né­rer de l'avis de ceux qui ont à tout gérer ? Quand il faut or­ga­ni­ser des cam­pagnes de santé pu­blique, c'est à nous qu'on fait appel. Quand il y a une oc­cu­pa­tion illi­cite, on dé­pend d'une dé­ci­sion du pré­fet. Quand ma po­lice mu­ni­ci­pale contrôle un res­tau­rant dou­teux, c'est le pré­fet ou le pro­cu­reur qui dé­cide sa fer­me­ture. Pour la ges­tion des risques, j'ai be­soin de mé­téo­ro­logues, de scien­ti­fiques, de géo­logues, mais ces pro­fes­sions n'existent pas dans la fonc­tion pu­blique. Bon sang, qu'on nous trans­fère ces com­pé­tences une fois pour toutes !


Faut-il en­vi­sa­ger de re­por­ter à nou­veau les élec­tions ré­gio­nales, pré­vues en juin ?

La prio­rité des prio­ri­tés, ce doit être de gérer le Covid, ses consé­quences, puis d'en­ga­ger une grande loi de dé­cen­tra­li­sa­tion. Je rap­pelle qu'en juin, on se croyait sor­tis de l'épi­dé­mie. Puis on a vu l'abs­ten­tion mas­sive au se­cond tour des mu­ni­ci­pales. Alors les ré­gio­nales, pour­quoi pas, mais il fau­dra que fin avril, au plus tard le 15 mai, l'épi­dé­mie ait com­plè­te­ment dis­paru et que les Fran­çais soient to­ta­le­ment ras­su­rés.


Tou­jours membre de LR, vous vous êtes ce­pen­dant éloi­gné du parti. Et êtes plus in­dul­gent que lui vis-à-vis du gou­ver­ne­ment…

Je ne crois pas que les par­tis soient très utiles dans une pé­riode comme celle-là. Ci­tez-en un seul avec un nombre consé­quent d'adhé­rents ? Au­jour­d'hui, ma seule po­li­tique, c'est qu'il doit y avoir une culture du dé­pas­se­ment. Je ne suis pas dans la ma­jo­rité, mais je laisse la po­lé­mique à ceux que ça in­té­resse. Bran­dir les LR, les in­sou­mis, les ceci ou cela, avec quelques lea­ders et peu de membres, c'est tout ce que les gens dé­testent. Comme ils ont dé­testé l'agi­ta­tion en­tre­te­nue par cer­tains mé­dias et les po­lé­miques entre mé­de­cins.


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